Face à l’intensification des cyberattaques visant les infrastructures critiques, l’Union européenne franchit une nouvelle étape avec la mise en place d’une réserve européenne de cybersécurité, opérée par l’ENISA (European Union Agency for Cybersecurity).
Dotée d’un budget de 36 millions d’euros sur trois ans, cette réserve s’inscrit dans le cadre du Cyber Solidarity Act, adopté pour renforcer la capacité collective de réponse de l’Europe face aux crises numériques majeures.
Mais au-delà de la réaction, cette initiative interroge : quelle place pour les banques et les assurances, classées parmi les secteurs les plus exposés et les plus régulés du continent ?

1. Un nouveau pilier de la défense numérique européenne
Le Cyber Solidarity Act, entré en vigueur en 2024, vise à bâtir un véritable bouclier cyber européen.
Son objectif : permettre une détection rapide, une intervention coordonnée et un soutien technique immédiat en cas d’attaque d’envergure.
La réserve de cybersécurité, pilotée par l’ENISA depuis Athènes, constitue la pièce maîtresse du dispositif.
Composée de prestataires privés qualifiés, sélectionnés à l’échelle européenne, elle pourra être mobilisée à la demande d’un État membre confronté à un incident majeur — qu’il s’agisse d’une attaque sur un réseau bancaire, un hôpital, un opérateur d’énergie ou un service public.
Les experts mobilisés interviendront pour :
analyser les causes de l’incident,
contenir la propagation,
restaurer les systèmes critiques,
et coordonner le partage d’informations avec les CERT nationaux et l’ENISA.
Cette approche collaborative marque une évolution profonde : l’Union européenne ne se contente plus de fixer des cadres réglementaires, elle investit désormais dans des mécanismes opérationnels de réponse.
2. Banques et assurances : des bénéficiaires stratégiques du dispositif
Le secteur financier occupe une position singulière dans le champ de la cybersécurité européenne.
Classé comme secteur essentiel par la directive NIS2, il est considéré comme l’un des piliers de la stabilité économique et sociale de l’Union.
À ce titre, les banques et les compagnies d’assurance sont directement concernées par les actions de la réserve cyber.
Une assistance ciblée en cas de crise majeure
En cas de cyberattaque transfrontalière ou d’incident à fort impact systémique (par exemple un ransomware affectant un système de paiement ou une plateforme d’assurance européenne), les acteurs du secteur pourront bénéficier d’une assistance coordonnée à l’échelle européenne.
L’ENISA, en lien avec la Commission européenne et les autorités nationales de supervision, pourra déployer des équipes techniques issues de la réserve pour renforcer les capacités locales et stabiliser les infrastructures touchées.
Cette coopération vise à éviter les effets de contagion observés lors de certaines attaques récentes, où la paralysie d’un prestataire ou d’une banque a pu entraîner des répercussions en chaîne sur plusieurs pays.
3. Une opportunité mais aussi un signal d’alerte
L’accès à cette force d’intervention constitue une opportunité majeure pour les établissements financiers.
Ils pourront bénéficier d’une expertise mutualisée, d’outils européens de réponse et d’un cadre de communication harmonisé en cas de crise.
Cependant, le risque de dépendance à une aide post-incident ne doit pas être sous-estimé.
Maintenir une posture proactive
Les banques et assurances doivent continuer à investir dans leur propre résilience numérique :
réalisation de tests de pénétration et d’exercices de crise,
renforcement des plans de continuité et de reprise d’activité (BCP/DRP),
supervision accrue des tiers fournisseurs critiques,
mise en place de centres de surveillance (SOC) performants.
Le Cyber Solidarity Act ne dispense pas de ces efforts. Il complète la démarche en créant un niveau européen de solidarité, destiné à appuyer les États et les acteurs privés lorsque les moyens nationaux sont dépassés.
4. Vers une cybersécurité européenne intégrée
Cette réserve s’inscrit dans un écosystème plus large, articulé autour de plusieurs instruments :
la directive NIS2, qui étend les obligations de sécurité et de signalement à plus de 18 secteurs d’activité ;
le règlement DORA, spécifiquement dédié à la résilience opérationnelle du secteur financier ;
et les centres opérationnels européens (SOC) interconnectés, destinés à assurer une détection en temps réel des menaces.
En combinant ces initiatives, l’Union européenne cherche à bâtir une cyberdéfense intégrée, fondée sur la coopération entre institutions, régulateurs et acteurs privés.
La création de la réserve européenne de cybersécurité représente une avancée majeure pour la protection des secteurs critiques et l’autonomie stratégique de l’Europe face aux cybermenaces.
Pour les banques et assurances, ce dispositif offre un cadre rassurant : celui d’une assistance européenne coordonnée en cas de crise.
Mais il rappelle aussi une évidence : la véritable résilience ne repose pas seulement sur la solidarité, mais sur la préparation et la maîtrise interne.
Les établissements capables d’allier anticipation, coordination et confiance mutuelle seront les mieux armés pour faire face à la prochaine génération de cyberrisques.
En résumé
La réserve de cybersécurité européenne est un dispositif créé par l’Union européenne et piloté par l’ENISA. Dotée d’un budget de 36 millions d’euros sur trois ans, elle permet de mobiliser rapidement des prestataires spécialisés en cas d’incidents cyber majeurs affectant des infrastructures critiques.
Le Cyber Solidarity Act vise à renforcer la coopération entre les États membres face aux cyberattaques. Il instaure un cadre opérationnel commun, favorise la mutualisation des ressources et soutient la détection et la réponse rapide aux incidents de grande ampleur.
Classées comme secteurs essentiels dans la directive NIS2, les banques et les compagnies d’assurance figurent parmi les bénéficiaires prioritaires de la réserve. Elles pourront solliciter une assistance européenne en cas d’incident transfrontalier affectant leurs systèmes critiques.
Les établissements financiers bénéficient d’un accès à des équipes d’experts européens capables d’intervenir lors d’attaques massives. Cela permet une meilleure coordination, un partage d’informations en temps réel et une restauration plus rapide des services essentiels.