Cybersécurité financière : L’Europe muscle sa régulation avec DORA, NIS2 et FIDA

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Face à une cybermenace croissante, le secteur financier européen se renforce sur le plan réglementaire. Attaques ciblées, fraude informatiqueransomware, ou encore ingénierie sociale : les risques sont nombreux et les impacts potentiellement dévastateurs. Pour répondre à ces enjeux, l’Union européenne déploie une stratégie coordonnée autour de trois textes phares : DORA (Digital Operational Resilience Act), NIS2 (Network and Information Systems Directive 2) et FIDA (Financial Data Access Regulation). L’objectif : construire une véritable cyber résilience collective à l’échelle du continent. Ce cadre réglementaire vise à non seulement protéger les infrastructures financières critiques, mais aussi à renforcer la confiance des consommateurs dans la sécurité des services numériques. Ce réarmement cybernétique de l’Europe s’inscrit dans une dynamique de collaboration entre les États membres afin d’échanger des informations et d’améliorer les meilleures pratiques en matière de cybersécurité. En unissant leurs forces, les pays européens aspirent à établir un bouclier robuste contre les cyberattaques futures.

Quelles sont les menaces en cybersécurité financière ?

Le secteur financier, par sa nature interconnectée et la valeur des actifs qu’il gère, reste une cible privilégiée et persistante des cybercriminels. Au-delà des menaces courantes comme le hameçonnage sophistiqué, les ransomwares aux impacts dévastateurs sur la disponibilité, ou l’ingénierie sociale exploitant la complexité organisationnelle, de nouveaux vecteurs de risque émergent. Les chaînes d’approvisionnement TIC (Tierce Partie Cyber Risques), la complexité des architectures hybrides (cloud, on-premise), l’hyper-connectivité des systèmes de paiement instantané, et l’exploitation des vulnérabilités zero-day dans les logiciels critiques représentent des défis majeurs. La résilience opérationnelle n’est plus seulement une question technique, mais un impératif stratégique pour maintenir la confiance des clients et la stabilité financière.

 

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Défis spécifiques du secteur bancaire

Le secteur bancaire fait face à des défis cyber spécifiques et complexes. La priorité est de maintenir la confiance des clients, un impératif dans un contexte où les risques opérationnels augmentent avec la complexité numérique et l’interdépendance avec les tiers. Il est également crucial de trouver l’équilibre entre l’investissement nécessaire en cybersécurité et la maîtrise des coûts, tout en respectant scrupuleusement la loi sur le secret bancaire. Ces enjeux exigent une stratégie européenne claire, proactive et coordonnée pour assurer la résilience et la stabilité du système financier.

Réglementations clés : DORA, NIS2 et FIDA

  • L’Union européenne met en œuvre une stratégie de cybersécurité ambitieuse pour le secteur financier, structurée autour de trois textes réglementaires majeurs : Cette stratégie vise à renforcer la résilience des infrastructures financières face aux cybermenaces croissantes. Le déploiement de l’eucs en Europe est essentiel pour garantir une coordination efficace entre les États membres et améliorer la protection des systèmes financiers. En outre, elle favorise l’échange d’informations et de meilleures pratiques entre les différents acteurs du secteur.

    • DORA (Digital Operational Resilience Act) : impose des normes de cyber résilience, des tests réguliers et une gouvernance de gestion des risques renforcée pour toutes les entités du secteur.

    • NIS2 : élargit les obligations des acteurs critiques, renforce la surveillance des systèmes et impose des mesures strictes en matière de protection des infrastructures.

    • FIDA : vise à encadrer l’accès aux données financières dans un cadre sécurisé, tout en facilitant l’innovation.

    Ces textes imposent des obligations réglementaires fortes en termes de mise en œuvre, d’audit de sécurité, de conformité bancaire et de stratégie nationale en cybersécurité.

DORA: Le pillier résilience pour la Finance

Entré en vigueur le 16 janvier 2023 et appliquée le 17 janvier 2025, DORA est la pierre angulaire de la résilience opérationnelle numérique pour une large gamme d’entités financières (banques, assureurs, entreprises d’investissement, prestataires de services de cryptomonnaies, etc.) et leurs fournisseurs tiers de services TIC critiques.

DORA impose des obligations strictes sur cinq piliers :

  1. Gestion des risques liés aux TIC : Mise en place d’un cadre robuste, avec une gouvernance forte des organes de direction.

  2. Gestion des incidents liés aux TIC et communication : Processus de détection, gestion et notification harmonisée des incidents majeurs aux autorités compétentes (ACPR en France).

  3. Tests de résilience opérationnelle numérique : Obligation de réaliser des tests réguliers et exhaustifs, incluant des tests d’intrusion basés sur la menace (TLPT) pour les entités critiques.

  4. Gestion des risques liés aux tiers fournisseurs de services TIC : Encadrement des relations avec les sous-traitants (cloud, logiciels), incluant une surveillance des contrats et une stratégie de sortie.

  5. Partage d’informations : Encouragement du partage d’informations sur les cybermenaces et vulnérabilités. Il est essentiel de rester vigilant face à l’évolution récente de la cybercriminalité, qui présente des défis sans précédent pour les organisations. En facilitant cet échange d’informations, les entreprises pourront mieux anticiper et neutraliser les menaces émergentes. De plus, une collaboration renforcée entre les secteurs public et privé contribuera à créer un environnement numérique plus sécurisé pour tous.

DORA vise à créer un cadre harmonisé européen, renforçant la capacité collective à résister aux cyberattaques.

NIS2: Une portée sectorielle spécifique

Adoptée en décembre 2022, avec une transposition en droit national, initialement prévue pour octobre 2024, NIS2 élargit les obligations de cybersécurité à un spectre plus large de secteurs essentiels et importants. Concernant le secteur financier, il est crucial de noter la relation avec DORA :
  • Principe de “Lex Specialis” : En général, DORA agit comme une “lex specialis” (loi spéciale) pour le secteur financier. Cela signifie que les entités financières déjà couvertes par DORA sont exemptées des obligations de NIS2 pour les risques de cybersécurité déjà couverts par DORA.

  • Portée résiduelle de NIS2 dans la finance : NIS2 continue de s’appliquer à certaines entités du secteur financier qui ne sont pas entièrement couvertes par DORA, ou pour des aspects de sécurité non couverts par DORA. C’est notamment le cas pour :
    • Les établissements de monnaie électronique et de paiement qui, en fonction de leur taille ou de leur rôle d’infrastructure critique, pourraient tomber sous le coup de NIS2.
    • Certaines infrastructures de marché financier qui ne seraient pas considérées comme des entités financières au sens de DORA mais dont la défaillance aurait un impact systémique.
    • Il est donc impératif pour chaque entité d’analyser précisément sa position vis-à-vis des deux textes afin de déterminer le régime applicable et éviter les doubles contraintes ou les lacunes.

NIS2 renforce les exigences en matière de gestion des risques cyber, de reporting des incidents (avec des délais plus stricts), et introduit une responsabilité des dirigeants en cas de non-conformité pour des entités non couvertes par le champ d’application de DORA.

FIDA: Sécuriser l'Open Finance

La proposition de règlement FIDA, présentée en juin 2023, vise à encadrer l’accès et le partage sécurisé des données financières des clients par des tiers fournisseurs, dans la continuité de l’Open Banking. Les objectifs de FIDA sont de :
  • Faciliter l’innovation dans les services financiers personnalisés (conseil en investissement, gestion budgétaire, etc.) en permettant aux clients de partager leurs données de manière sécurisée et contrôlée.
  • Renforcer la sécurité des données et la protection de la vie privée en imposant des règles strictes sur la gouvernance des données, le consentement explicite des clients et les mesures de cybersécurité pour les fournisseurs de services d’accès aux données financières.
  • Établir des cadres de responsabilité clairs en cas de fuite de données ou de cyberincident lié au partage.

FIDA, en s’appuyant sur l’expérience de la DSP2, cherche à étendre le principe de “l’open” à un plus large éventail de données financières, tout en intégrant les leçons apprises en matière de sécurité et de conformité, notamment vis-à-vis du RGPD.

Comment renforcer la cybersécurité dans la finance ?

La mise en conformité avec ces réglementations clés exige une refonte stratégique de la gestion de la cybersécurité et de la résilience opérationnelle :

  • Gouvernance et Responsabilité : Les organes de direction ont une responsabilité formelle accrue en matière de résilience opérationnelle numérique.

  • Gestion des Risques des Tiers : DORA impose une approche systématique de l’évaluation et de la gestion des risques liés aux chaînes d’approvisionnement TIC.

  • Tests Avancés et Red Team : L’obligation de TLPT pour les entités systémiques sous DORA demande des investissements dans des équipes spécialisées.

  • Automatisation et Orchestration : L’intégration de solutions SOAR (Security Orchestration, Automation and Response) et XDR (Extended Detection and Response), ainsi que l’exploitation de l’IA, devient cruciale pour la détection et la réponse rapides.

  • Culture Cyber et Formation Continue : Une formation ciblée des équipes techniques, opérationnelles et de management est indispensable pour intégrer les exigences réglementaires.

  • Interopérabilité et Partage : L’encouragement au partage d’informations sur les cybermenaces ouvre la voie à une intelligence des menaces (Threat Intelligence) plus efficace.

 
Consultez notre Groupe de travail sur la Cartographie des Risques Cyber

Implications Immédiates et les Risques de Non-Conformité

Avec l’application de DORA en janvier 2025 et la transposition partielle de NIS2 en octobre 2024, les organismes financiers doivent agir sans tarder :

  • DORA – Cartographie et Analyse d’Écart (Gap Analysis) : Il est impératif de réaliser une cartographie exhaustive des systèmes TIC et services externalisés critiques, suivie d’une analyse d’écart détaillée avec les exigences de DORA.

  • Préparation aux TLPT : Pour les entités critiques, l’identification et la sélection de fournisseurs de tests TLPT qualifiés sont urgentes, compte tenu des délais.

  • Révision des Contrats Tiers : Une revue approfondie des contrats avec les fournisseurs TIC critiques est nécessaire pour intégrer les clauses DORA.

  • Renforcement de la Gouvernance : Les dirigeants doivent être activement impliqués et formés à leurs nouvelles responsabilités en matière de résilience numérique.

  • Opérationnalisation du Reporting d’Incidents : Mettre en place et tester des processus et outils pour la notification rapide et structurée des incidents majeurs aux autorités.

  • Stratégie NIS2 vs. DORA : Évaluer précisément quelle réglementation s’applique à chaque partie de l’organisation pour éviter les lacunes ou les doubles contraintes.

  • Sensibilisation Accélérée : Renforcer la sensibilisation des fonctions métiers et des directions générales.

Les Pièges de la Non-Conformité : Retards, Manque de Moyens et Conséquences

Le non-respect des délais ou un manque de préparation peut entraîner des conséquences graves :

  1. Retards de Transposition Nationale : Bien que DORA soit un règlement directement applicable, la transposition de NIS2 dépend des États membres. Un retard peut créer une incertitude juridique pour les entités transfrontalières, comme cela a pu être observé avec la première directive NIS.

  2. Manque de Moyens et de Ressources : La mise en conformité est coûteuse et gourmande en ressources. Les exigences de TLPT nécessitent des équipes spécialisées (Red Teams) et des infrastructures dédiées, souvent rares. La révision des contrats de sous-traitance TIC est également un chantier colossal.

  3. Non-Respect des Délais d’Application et Sanctions : C’est le risque le plus direct.

    • Sanctions Financières : Les régulateurs (comme l’ACPR) ont des pouvoirs étendus. Les amendes pour non-conformité à DORA peuvent atteindre jusqu’à 1 % du chiffre d’affaires annuel mondial ou des montants fixes importants. NIS2 prévoit des amendes maximales allant jusqu’à 10 millions d’euros ou 2 % du chiffre d’affaires annuel mondial total.

    • Conséquences Réputationnelles : La non-conformité ou la révélation d’incidents dus à une préparation insuffisante peut gravement entacher la réputation de l’institution, éroder la confiance des clients et des investisseurs, et impacter la valeur boursière.

    • Restrictions Opérationnelles : Dans les cas les plus graves, les régulateurs pourraient imposer des restrictions sur les activités, voire des retraits d’agrément.

Ces enjeux soulignent l’importance capitale d’une approche proactive et d’un investissement significatif dans la cyber-résilience. Les entités qui sous-estiment la portée de ces réglementations s’exposent à des risques financiers, opérationnels et réputationnels inacceptables.

Consultez notre article sur le Rôle croissant des Régulateurs et l’harmonisation de la Réglementation

Préparation, formation et réponse aux cyberattaques

La préparation est cruciale face aux cyberattaques dans le secteur financier. Elle repose sur des bonnes pratiques clés :

  • Sensibilisation et formation continue des équipes pour développer une culture cyber forte.

  • Évaluation des risques et simulation d’incidents afin de tester les défenses et la coordination interne.

  • Élaboration et test d’un plan de réponse à incident (CIRT) pour une gestion structurée des crises.

  • Recours à des centres de cybermalveillance ou prestataires spécialisés pour un soutien externe.

Adopter ces meilleures pratiques garantit une réaction rapide et structurée, renforçant la résilience organisationnelle des institutions financières et minimisant les impacts.

La cybersécurité financière regroupe l’ensemble des pratiques, outils et réglementations visant à protéger les institutions financières contre les risques numériques tels que les cyberattaques, le vol de données, ou la fraude informatique.

Vers une cyber résilience européenne structurée

L’empilement réglementaire n’est pas un fardeau, mais une réponse nécessaire à un environnement de cybermenaces en constante évolution. DORA, avec sa focalisation holistique sur la résilience opérationnelle pour la finance, complétée par la portée ciblée de NIS2 et les ambitions de FIDA pour l’Open Finance, dessine un écosystème financier européen plus robuste et interconnecté. La réussite de cette transformation dépendra de la capacité des acteurs financiers à intégrer ces exigences de manière proactive et stratégique, en faisant de la cybersécurité un levier de confiance et de compétitivité.

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